Ô sainte! Mais j′aimais ça, j′aimais ça! (version intégrale)

27 mars 2025
Publication - Texte intégral
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En 2024, les Éditions du Blé ont célébré un jalon marquant: 50 ans d’édition et de création littéraire. Pour souligner cet anniversaire, un cahier spécial, 50 ans en évolution, a été publié en septembre 2024 dans La Liberté. Certaines contributions ont dû être écourtées pour s’adapter au format imprimé. Ce texte est présenté ici dans sa version intégrale. Bonne lecture!

Version publiée en septembre 2024

Dramaturge, comédien, metteur en scène et, en ses heures, organiste. C’est le Claude Dorge du Cercle Molière qu’on connait bien. Le Claude Dorge des Éditions du Blé, on le connait moins. Sans doute parce qu’il a surtout œuvré comme graphiste, et ceci, dès la première année.

Travaillant étroitement avec son frère Lionel Dorge, il a conçu de nombreuses couvertures et a mis en pages de nombreux livres pendant une bonne vingtaine d’années.

«Je n’avais pas l’intention de devenir graphiste, explique Claude Dorge. Je ne sais pas trop comment c’est arrivé. Ça m’a toujours intéressé et, dès le début des Éditions du Blé, je m’étais un peu impliqué. C’est comme si… bien, je vais le faire.»

Avec Réal Bérard, il avait créé l’album pour enfants Nico et Niski visitent le Manitoba, l’un des trois titres lancés par les Éditions du Blé en décembre 1974. Il avait aussi pataugé un peu dans les beaux-arts, comme le témoigne la fameuse photo de la première exposition d’artistes franco-manitobains parue dans La Liberté.

«Dans mes folles années de jeunesse, j’ai fait un peu de l’huile», concède-t-il. «C’est probablement par hasard que j’ai participé à ça. J’ai fait mon élément latin au Collège et c’est là que j’ai connu Bernard Mulaire. Je ne suis pas retourné par après, mais je suis toujours resté en contact avec lui. C’est probablement Bernard qui m’a invité: Coudonc! t’en as des toiles, pourquoi tu ne participes pas. Je n’ai aucune idée où sont ces chefs-d’œuvres et je pense que je ne voudrais pas les revoir!»

Il a appris le métier sur le tas, comme on dit. «Je l’ai appris en le faisant. Maintenant, c’est tellement plus facile par ordinateur, tu cliques, tu déménages. À l’époque, c’était au couteau et à la cire. Au Cercle Molière, je faisais les programmes des pièces. J’étais quand même bien installé, alors j’en profitais. Je m’étais fait faire par les gars de la technique une table lumineuse… Au début, je ne l’avais pas. Pour Le Manitoba, reflets d’un passé, je travaillais sur une table de cuisine. Ô sainte, mais j’aimais ça, j’aimais ça!»

Claude Dorge

«Tous les livres que j’ai faits, j’étais emballé. Sinon, je ne l’aurais pas fait. C’était souvent la même chose: deux couleurs pour la couverture et pour les pages intérieures, c’est une couleur, généralement le noir… Je pense, par exemple, au recueil de poésie de François-Xavier Eygun, L’écharpe d’Iris. On ne se permettait pas la production en couleurs, mais l’écharpe d’Iris, c’est l’arc-en-ciel. J’ai choisi une encre bleue. Chez l’imprimeur, je leur avais demandé de me faire sept gradations du même bleu pour l’effet de l’écharpe. Alors pour ce livre, j’étais satisfait.»

Grand lecteur, Claude Dorge gardait l’œil sur ce qui se faisait ailleurs. «On a fait un roman Le vent n’a pas d’écho (1982) de Monique Jeannotte. À ce moment-là, c’était très populaire de faire des couvertures avec les caractères du titre en relief. Ça m’avait emballé. J’ai réussi à faire la couverture de ce roman avec les caractères en relief.»

Comment a-t-il pu convaincre le Blé d’allouer un budget pour ça? «J’ai découvert que tu peux faire beaucoup de choses que tu pensais être dispendieuses et qui finalement ne l’étaient pas si t’en parlais à d’autres. On faisait toujours affaire avec le même bonhomme à Hignell, un francophone, un vrai gentleman. Lui, il était au courant. Je lui disais mon idée et il disait, oui on peut faire ça.»

Autre exemple: «La toile de Pauline Morier qui s’appelle Chez Louise, c’était la couverture de l’un des petits livres de la collection Miroir de catalogues d’expositions montées au Centre culturel par Bernard Mulaire. Et bien, c’était la première fois qu’on imprimait en couleurs. Si tu penses que j’étais pas excité!»

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