Simone Chaput: Les Éditions du Blé m’ont donné la confiance de continuer. (version intégrale)

En 2024, les Éditions du Blé ont célébré un jalon marquant: 50 ans d’édition et de création littéraire. Pour souligner cet anniversaire, un cahier spécial, 50 ans en évolution, a été publié en septembre 2024 dans La Liberté. Certaines contributions ont dû être écourtées pour s’adapter au format imprimé. Ce texte est présenté ici dans sa version intégrale. Bonne lecture!
Version publiée en septembre 2024
La maison d’édition, c’est la crédibilité
Cinq romans et un recueil de nouvelles aux Éditions du Blé. Deux romans en anglais à Turnstone Press de Winnipeg, la jumelle anglophone du Blé. Quatre romans chez Leméac au Québec avec un cinquième qui paraîtra d’ici deux ans. Plusieurs prix littéraires et un colloque international sur son œuvre. «C’est vraiment une carrière d’écrivaine ininterrompue», concède Simone Chaput. Une carrière d’écrivaine qui s’échelonne sur plus de 35 ans.
«Ce sont les Éditions du Blé qui vraiment m’ont donné la confiance de continuer, de me rassurer que j’étais dans la bonne voie et qu’il y avait quand même des possibilités pour moi à un avenir dans le domaine de la littérature», affirme Simone Chaput.
Son aventure littéraire a commencé presque une décennie avant la parution de son premier roman. On est en 1980. «Mon mari et moi avions fait un voyage prolongé en Europe durant lequel nous avions fait les vendanges pendant six semaines», raconte l’ancienne prof de littérature de l’Université de Winnipeg. «C’était une expérience ardue, difficile, exigeante et je me suis dit en rentrant à la maison qu’il fallait absolument que je fasse quelque chose avec ça.»
«Je n’ai pas eu vraiment la chance de commencer d’écrire avant 1983. Bon, en 1986 peut-être – ça a pris du temps à mettre les choses en marche – je me suis dit, il faut présenter ce roman-là à quelqu’un. Je connaissais Paul Savoie qui avait été prof de littérature au Collège, à l’Université de Saint-Boniface. Il m’avait montré ses livres, je savais qu’il avait publié aux Éditions du Blé. Mais j’étais trop gênée pour aller directement à leurs bureaux.»
«Je savais que Mlle Lucile Freynet de la Bibliothèque de Saint-Boniface était membre du CA du Blé. Alors j’ai apporté mon manuscrit comme ça dans une enveloppe à la bibliothèque – j’y étais toujours rendue avec les petites – et je le lui ai donné. Elle était enchantée, elle était tellement charmante. Elle a dit, je m’en occupe.»
«Et puis ensuite… j’ai attendu longtemps. Ils ont mis un moment. Il y avait des changements de direction, du nouveau monde côté production. Je me souviens, j’ai même téléphoné et j’ai utilisé le mot «poiroter» (rire) – “Il ne faut pas laisser les gens poiroter comme ça, moi je veux avoir une réponse!” Puis finalement, ça s’est mis en branle et le livre a paru en 1989.»
D’où vient ce vouloir d’écrire? «Je voulais travailler dans le domaine de la littérature, soit comme prof, soit comme écrivaine. D’ailleurs, ma mère a conservé un de mes écrits de la 6e année: c’était déjà clair que cette petite fille aimait décrire! J’avais aussi ma marraine qui lisait beaucoup. Elle m’achetait toujours des livres à mon anniversaire. Elle avait tous les livres de Gabrielle Roy. Elle l’avait connue brièvement à un moment donné et elle me parlait souvent d’elle. Je me suis dit, même à un jeune âge, si elle est capable de faire ça, une jeune femme de Saint-Boniface, peut-être que moi aussi un jour je pourrais faire la même chose.»
Ce premier roman, Simone Chaput l’a écrit à la main. «J’écrivais à la main dans des cahiers Hilroy. J’en ai tout un tas… La Vigne, Un piano et la moitié du Coulonneux. Je les ai encore ces cahiers parce qu’ils me sont très précieux. J’avais deux bébés à la maison et des fois quand je prenais une pose, ou que j’arrêtais pour un moment, elles venaient s’asseoir avec moi et je traçais leur petite main dans les pages de ces cahiers.»
«Un jour, mon mari m’a apporté un ordinateur. J’ai dis, sors-moi ça d’ici, je ne veux rien savoir de ça! Puis il m’a dit: Simone laisse-le sur le coin du bureau et un jour tu vas l’apprivoiser, tu vas t’habituer et tu vas voir que ça fonctionne mieux. C’est grâce à lui finalement que je suis passée du stylo au clavier. Maintenant j’écris très mal avec le stylo. Ça me prend un clavier.»
Écrire, d’accord. Mais pourquoi publier? «C’est une question de confirmation, surtout au départ. Quand on commence, on ne sait vraiment pas si on devrait s’adonner à cette vocation, on ne sait pas si on a le talent, on ne sait pas si les gens vont apprécier ce qu’on fait. La maison d’édition, c’est la crédibilité. Si une maison d’édition dit, oui, on t’accepte, on va publier ce livre-là pour toi, c’est la crédibilité tout de suite. Ça nous permet de continuer.»
«Au départ donc, c’est cette crédibilité, cette rassurance que, oui vous êtes dans la bonne voie, vous êtes sur la bonne piste… oui, on veut vous lire. Par la suite, il y a tout le côté amitié. Parce que j’ai publié, parce que j’ai participé à des lancements, j’ai rencontré plein de gens qui réussissent la même chose. Ça devient un cercle, un collectif. Des fois, en écrivant, je pense à Lise, ou je pense à Roger, ou je pense à Bertrand et à Charles,* et je me dis, est-ce que ça les intéresserait de lire ça? Ça devient un peu un jury pour nous, nos amis écrivains et on écrit pour avoir leur approbation à un certain niveau.»
* Il s’agit de Lise Gaboury-Diallo, Roger Léveillé, Bertrand Nayet et Charles Leblanc, autrice et auteurs chevronnés des Éditions du Blé.

Simone Chaput (photo: Cindy Phelan)
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